Par Anne Vingerhoets,
Sage-femme et sexologue, spécialisée dans l’approche périnatale de la sexualité ainsi que dans l’abord du féminin et du couple.
La sage-femme est la professionnelle de première ligne qui assure une surveillance et un suivi médical, à la mère et son enfant durant toute la période de la périnatalité. Mais saviez-vous qu’elle peut aussi faire le suivi gynécologique classique ?
Quelle place pour la sage-femme dans l’accompagnement de l’endométriose ?
La périnatalité comprend :
- la période préconceptionnelle (qui se situe avant l’arrivée de la grossesse),
- la période prénatale (qui se situe durant les neuf mois de la grossesse)
- et la période postnatale (qui démarre juste après l’accouchement et qui s’étend jusqu’à la première année de vie de l’enfant).
La sage-femme, au cours d’une formation de quatre années en obstétrique, acquiert des compétences autonomes axées « prévention, éducation et détection de risques et de
complications » et collaboratives avec le médecin axées « dispensation de soins intensifs et/ou à risque ainsi qu’application des prescriptions de traitements ». Elle gardera donc cette autonomie tant que la situation sera dépourvue de problèmes médicaux. Dès lors, elle est formée à détecter les signes cliniques laissant présager l’arrivée et/ou l’installation d’une pathologie. Si elle détecte un problème médical, elle va rediriger la femme et/ou le couple vers un médecin. Les limites de sa compétence s’arrêtent donc là où commence la pathologie. Dans le suivi de la pathologie, elle gardera un suivi collaboratif avec les spécialistes (gynécologues, endocrinologues, médecins traitants …).
En Belgique, elle fait partie de l’Art de guérir, ce qui la distingue de l’infirmière qui elle fait partie de l’Art de soigner. Ce qui distingue ces deux arts est le fait que dans le premier, le prestataire peut poser des diagnostics et prescrire des médicaments (repris dans une liste de prescription médicamenteuse pouvant être rédigée de manière autonome). Cela n’est pas le cas dans le second.
Parmi ses domaines d’intervention, nous pouvons y retrouver également la gynécologie. En France, de plus en plus de sages-femmes proposent des consultations gynécologiques
(prévention des IST, prescription et suivi de contraception, prise en charge d’IVG médicamenteuse) à des femmes de tout âge, sans pathologie avérée. Ces dernières ont réalisé en plus de leur formation de base un DU (diplôme universitaire) ou un DIU (diplôme interuniversitaire). En Belgique, cette tendance n’est pas inscrite dans les mœurs et nous verrons davantage les sages-femmes intervenir exclusivement dans le cadre de la périnatalité.
Quelles seront ses rôles dans l’accompagnement de l’endométriose ?
Un rôle de sensibilisation et d’éducation
De par ses connaissances du corps féminin, mais aussi de par ses connaissances médicales englobant les signes d’appel de l’endométriose, la sage-femme sera une actrice de premier plan quant à la sensibilisation de la population à l’endométriose. Cette sensibilisation fera partie de ses compétences en termes d’éducation et de prévention. Elle sera dès lors apte à expliquer la maladie ainsi que les traitements et la prise en charge qui seront prescrits par le corps médical.
Un rôle d’aide et de collaboration au diagnostic de l’endométriose
L’endométriose est une maladie sous-diagnostiquée et soumise à un retard de diagnostic. Cela s’explique d’une part par le « délai patiente » qui est le temps écoulé entre le moment où la patiente présente ses premiers symptômes et le moment où elle va consulter et d’autre part, par le « délai médical » qui est le temps écoulé entre la première consultation et le diagnostic.
Si la sage-femme réalise un suivi gynécologique (répandu en France mais pas en Belgique), ce sera à travers son interrogatoire ainsi qu’un examen clinique qu’elle recherchera les signes évocateurs de l’endométriose tels que :
- douleurs pelviennes et lombaires chroniques,
- dysménorrhées (règles douloureuses),
- dyspareunie (douleurs pendant les rapports),
- troubles digestifs
- troubles urinaires,
- douleurs articulaires,
- fatigue chronique
- et infertilité.
Une fois qu’elle suspectera la pathologie, son rôle sera de référer la patiente vers un médecin compétent qui à son tour réalisera des examens complémentaires :
- xéchographie pelvienne,
- prise de sang,
- IRM pelvienne,
- laparoscopie.
Un rôle de soutien aux symptômes
Que cela soit en préconceptionnel, durant la grossesse et en post natal, la sage-femme aura vraiment un rôle à jouer dans l’écoute des plaintes des dames.
Tout d’abord, elle trouvera sa place dans la période préconceptionnelle. Une femme souffrant d’endométriose et faisant face à une infertilité pourra être accompagnée par la sage-femme qui la soutiendra dans son désir de grossesse et qui pourra aussi dispenser des conseils pratiques (pour la femme et l’homme) afin d’aider à l’arrivée de la grossesse. Cela peut aussi bien concerner les couples qui sont dans un parcours naturel de désir de grossesse ainsi que ceux qui se trouvent dans un parcours de grossesse médicalement assisté.
Ensuite, en période per-natal (durant la grossesse), la sage-femme sera amenée à rencontrer les femmes (accompagnée par le coparent) qui seront enceintes malgré l’endométriose (les deux n’étant pas systématiquement incompatibles). Elle pourra durant des consultations prénatales mais aussi des séances de préparation à la naissance s’inquiéter du vécu physique, émotionnel et affectif des femmes et des couples.
Elle pourra ainsi aider les couples dans :
- le déroulement physiologique de la grossesse,
- dans la gestion du stress,
- dans la nutrition,
- dans la préparation à l’accouchement
- mais aussi dans la recherche de solutions face aux symptômes qui sont présents tels que : des dyspareunies et des douleurs neuropathiques.
Pour finir, elle accompagnera à l’accouchement et en post-natal la mère et le bébé. En ce qui concerne l’accouchement, elle accompagnera les couples lors de la mise au monde et
cela de manière autonome tant qu’aucun problème ne survient (elle sera en première ligne pour les détecter). Si une pathologie quelconque apparaît durant le travail de l’accouchement, un gynécologue-obstétricien prendra le relai. Une différence majeure existe entre la Belgique et la France. En Belgique, bien qu’ayant acquis des compétences autonomes dans l’accouchement eutocique (accouchement par voie basse, normal à terme, se déclenchant naturellement et durant lequel aucun problème ne se manifeste), la majorité du temps, lors d’un accouchement en milieu hospitalier, ce sont les gynécologues obstétriciens qui réalisent l’accouchement quelle que soit la manière dont ce dernier se présente (accouchement normal ou pathologique). En France, la sage-femme accouche systématiquement les femmes tant que la naissance est eutocique et qu’aucun problème ne se présente.
C’est uniquement lorsqu’une dystocie (difficulté se présentant et nécessitant une manœuvre, une intervention médicale, une césarienne) se présente que sa compétence d’autonomie est relayée à la compétence collaborative avec le médecin. En ce qui concerne la période postnatale, la sage-femme prend toute sa place dès l’arrivée du bébé et ce jusqu’à la première année de vie de l’enfant :
- surveillance mère-bébé,
- soutien lors de l’allaitement maternel ou artificiel
La sage-femme trouve donc sa place dans le suivi et l’accompagnement des femmes endométriosiques tant sur une sphère :
- gynécologique (aide à la détection)
- qu’obstétricale (préconceptionnel, prénatal et postnatal).
Ses compétences sont autonomes tant qu’aucun problème médical n’est détecté et deviennent collaboratives (avec les médecins) une fois la pathologie présente.
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